À la rencontre de Frédéric Thery, instructeur MBSR et co-animateur de Médit’Action à Calais – Août 2024
Frédéric partage son expérience sur l’importance de la méditation dans l’action humanitaire. Il nous parle des défis émotionnels des bénévoles et de la manière dont la pleine conscience peut aider à trouver un équilibre, même dans des contextes exigeants.
Salut Frédéric, peux-tu te présenter et nous expliquer ton rôle dans MéditAction Calais ?
Je suis instructeur MBSR, spécialisé dans la réduction du stress et la gestion des émotions par la pleine conscience. J’interviens aussi dans des entreprises et des formations universitaires. En parallèle, j’ai co-fondé une association humanitaire, Daya Népal, qui soutient l’accès à l’éducation pour les enfants népalais.
Avec Kiêt, l’organisateur de MéditAction, on s’est rencontrés lors de notre formation d’instructeurs MBSR à Paris. Quand il a eu l’idée d’allier méditation et action humanitaire, il m’a proposé de l’accompagner. J’ai accepté immédiatement, car c’est un milieu qui me parle profondément.
À MéditAction, mon rôle était double : guider les méditations et soutenir les participants sur le terrain. Les journées étaient très intenses, de 6h à 22h, avec plusieurs temps de méditation, des activités de groupe et notre implication avec l’association Refugee Community Kitchen. Être deux intervenants était essentiel pour alterner les guidances et offrir un soutien personnalisé aux participants.
Quels thèmes abordiez-vous pendant les méditations ?
Chaque jour, on avait un thème différent, comme « prendre soin de soi », « cultiver l’esprit du débutant » ou « accueillir les différences ». On invitait les participants à réfléchir sur leurs motivations, leurs fragilités et leurs ressources. Plus on avançait, plus on se tournait vers des notions comme la bienveillance, l’altruisme et le partage.
Par exemple, à Calais, le fait d’aider les migrants est parfois controversé. La méditation permet d’accueillir ces différences de perception, de prendre du recul et de rester centré sur ses valeurs sans se laisser déstabiliser.
Comment la méditation peut-elle aider les bénévoles à éviter l’épuisement ?
La méditation offre un espace pour faire le point sur ses limites et éviter le « syndrome du sauveur ». Ce piège, c’est de vouloir tout donner, souvent au détriment de sa propre santé. Grâce à la pleine conscience, tu apprends à reconnaître ce que tu peux offrir, ici et maintenant, sans te surmener.
Elle te permet aussi de gérer tes émotions face à des situations difficiles. À Calais, après une journée éprouvante de distribution de repas, on prenait un temps de méditation et de partage. Ça aidait les participants à déposer leurs ressentis et à se sentir soutenus par le groupe.
Est-ce que tu as vu des exemples concrets de burn-out empathique dans tes actions ?
Oui, au Népal par exemple, avec des bénévoles qui se sont oubliés en donnant trop. Ils étaient tellement submergés par la douleur des autres qu’ils finissaient par perdre pied. Moi aussi, j’ai vécu ça. Dans certains contextes, comme avec des filles victimes de trafic humain, c’est très dur émotionnellement. La méditation m’a permis de ne pas me laisser emporter par mes émotions, de les reconnaître et de continuer à avancer.
Qu’est-ce que cette expérience à Calais t’a appris personnellement ?
Elle m’a rappelé l’importance de l’écoute, envers moi-même et envers les autres. La méditation m’aide à accepter mes fragilités et à les transformer en force. C’est un outil précieux pour être pleinement présent et agir avec plus de clarté et de compassion.
Tu penses que la méditation devrait être plus intégrée dans les programmes humanitaires ?
Oui, je crois que des temps de méditation et de partage devraient être systématiques. Ça aide les bénévoles à se reconnecter à eux-mêmes, à trouver du sens dans leur engagement, et à éviter l’épuisement. Mais c’est essentiel que ce soit une démarche volontaire. La méditation ne doit jamais être imposée, ni devenir un outil pour rendre les gens plus performants.
Regards Croisés
Ce dialogue avec Frédéric met en lumière le rôle essentiel de la méditation dans l’action humanitaire. Elle ne se limite pas à un simple outil de gestion des émotions, mais devient un guide pour maintenir l’équilibre, reconnaître ses limites, et agir de manière durable et réfléchie. Pour Frédéric, la pleine conscience aide à éviter l’épuisement empathique tout en permettant une connexion profonde avec soi et les autres.
Son expérience rappelle que l’engagement social, lorsqu’il est nourri par une pratique méditative, peut se transformer en une voie de résilience, de lucidité et d’altruisme. Le programme MéditAction illustre comment le soin de soi renforce la capacité à aider, tout en offrant une nouvelle perspective sur la manière d’accompagner les bénévoles dans leur engagement.